Réalisés en collaboration avec les Editions Regards, les Entretiens avec Georges Haldas (4 CD) reviennent sur le parcours d’un homme qui a consacré sa vie à l’écriture. Un passionnant parcours à travers la littérature, la foi, le monde d’aujourd’hui et la ville qu’il aime entre toutes: Genève.
On peut lire Georges Haldas. On pourra désormais l’écouter. Au cours de quatre Entretiens avec Georges Haldas recueillis par Charly Veuthey et Simon Roth, l’écrivain s’exprime sur des thèmes qui lui tiennent à cœur: "Genève, ma ville", "De l’écriture aux Ecritures", "Déserts et Oasis", "Lectures essentielles". Un voyage à travers la mémoire, les questions fondamentales, les œuvres majeures de la littérature, la genèse d’une écriture et son mûrissement au contact de la Parole de Dieu, la société et ses interrogations. De sa voix chaleureuse et profonde, Georges Haldas raconte un itinéraire, partage des expériences fondatrices, explique sa pensée, s’exprime sur le monde d’aujourd’hui, et à travers lui c’est tout un siècle avec ses lumières et ses turbulences que l’on découvre.
L’itinéraire proposé par les Éditions Regard et les Éditions faim de siècle, éditeurs du coffret de quatre disques compacts, commence à Genève, la ville natale de Haldas. Il se poursuit par l’évocation de la trajectoire de l’écrivain, de ses débuts à sa rencontre féconde avec les Ecritures, dans ce qu’il appelle "l’Etat de Poésie". Puis Haldas livre son regard sur la société, un désert semé d’oasis qui sont autant de lieux de fraternité. Enfin, il évoque les auteurs qui l’ont nourri et les "livres de vie", ces "rendez-vous de réflexion" qui parlent des questions essentielles.
Genève, pour Haldas, est cette "rose des vents au cœur de l’Europe" qui conjugue concentration et ouverture sur le visible, cette "petite ville qui porte le monde". Haldas trouve de secrètes corres-pondances entre sa vie personnelle et cette cité "constamment en lien avec son au-delà et où je me sens très présent au monde".
Genève, ma ville
Genève, pour l’écrivain, c’est essentiel-lement la ville de son enfance, de son adolescence et de ses débuts littéraires, cette "ville intérieure qui échappe au temps et à l’espace et qui demeure en nous". C’est "tous les visages que j’ai vus et qui sont descendus en moi pour y former un humus humain". Genève c’est la Place Neuve, "respiration qui fait sentir son aura intime", la Place Saint-Gervais avec ses clochards, ses artisans et ses marchands, les quartiers des Pâquis et des Eaux-Vives avec leur vie diurne et leur vie nocturne, la halle aux poissons, les petits cafés, le marché et la fête populaire. C’est le murmure de l’Arve, les roulottes des romanichels, le cri des foulques, les carillons la nuit, le bruit des fontaines, le temps de mars et le ciel de septembre, tous "ces liens que j’ai tissé avec l’impondérable qui est l’essentiel".
Haldas évoque aussi Genève à travers les grandes figures qui l’ont marquée: Rousseau, Calvin, Léon Nicole et Georges Oltramare; et ses écrivains: Henri Amiel, Pierre Girard, Philippe Monnier, Charles-Albert Cingria. Pour constater enfin que "l’écriture est inférieure au vécu, elle n’en est que le témoin".
De l’écriture aux Ecritures
"De l’écriture aux Ecritures" raconte le cheminement d’un écrivain. Haldas y rappelle sa conception de l’écriture, "qui touche aux assises de l’être": elle est "nécessité de dire la vie dans son horreur et ses merveilles". Ecrire, pour lui, c’est "parler des choses de la vie avec les mots de tous les jours", héritage de son père grec et de sa mère genevoise. C’est être en "Etat de Poésie", à la fois disponibilité qui rend réceptif aux choses de la vie et sentiment que le visible cache l’invisible, cette "réalité fondatrice du visible où se trouve cette Source unique d’où nous procédons tous". Haldas parle de l’écriture comme d’une fulgurance et d’un "échec fertile" qui fait sentir la richesse de la vie.
Le poète est témoin et serviteur d’une parole, d’où le lien pour Haldas entre l’écriture et la Bible. Etat de Poésie et Ecritures s’éclairent mutuellement: tous deux demandent de vivre ce qui est dit et témoignent que "les grands mystères se révèlent à travers le quotidien". Dans cet entretien, Haldas évoque les figures bibliques qui l’attirent: Abraham, Job, Judas, le bon larron, les pèlerins d’Emmaüs, la Samaritaine, Marie de Magdala.
Déserts et Oasis
"Déserts et Oasis", c’est l’évocation des trois déserts qui marquent le monde moderne: le désert géographique, le désert social et le désert intime. Le désert géographique, le désert de sable, pour Haldas, c’est le risque de s’égarer, de perdre ses repères, de perdre la voie, donc la vie. Il est lieu de passage et d’oasis - la rencontre de personnes - et lieu des révélations fondamentales pour les trois monothéismes marquées par les figures de Moïse, de Jean Baptiste et du Christ, qui y signifie son refus de la puissance au profit de la relation aimante qui pousse à "donne sa vie pour que l’autre vivre".
Le désert social est dominé par la névrose de puissance, la course au profit dans une économie mondialisée qui écrase l’homme, le déboussolement général des consciences et la perte de sens. Trois symptômes le caractérisent: l’effacement du politique devant l’économie, l’étouffement de la liberté par les Eglises et leur incapacité à répondre aux questions des femmes et des hommes de ce temps, une science qui n’est pas en mesure de donner réponse aux questions essentielles de la destinée humaine. L’espoir demeure: celui de voir se constituer des oasis de fraternité tissées de solidarités à la base et de relations aimantes qui réaffirment le primat de la personne. Car "nous sommes tous les feuilles d’un même arbre, les enfants d’une même Source" et "réussir sa vie c’est être toujours plus homme, toujours plus relié à cette Source et à travers elle aux autres".
Lectures essentielles
Dans l’entretien intitulé "Lectures essentielles", Haldas évoque le rapport, dans sa trajectoire littéraire, entre la lecture et l’écriture: c’est "une relation organique constante". Des "livres de vie" ont jalonné son parcours: "L’Illiade", "L’Odyssée", "Don Quichotte", les œuvres de la littérature grecque, de la littérature russe, de la littérature espagnole, "qui témoignent de mentalités différentes qui nous font entrer dans de nouveaux modes de pensée", et les livres fondateurs des trois monothéismes: la Bible, le Coran. Des auteurs l’ont inspiré et continuent de nourrir son œuvre: Friedrich Nietzsche, Fedor Dostoïevski, Marcel Proust, Blaise Pascal, Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé. Seuls comptent pour lui ces "livres de vie", car ils abordent les questions fondamentales de l’origine et de la destinée de l’homme, de la vie et de la mort. "Ils se font oublier pour permettre au lecteur de parcourir son chemin de vérité, trouve sa voie dans la fidélité à lui-même. (Geneviève Cornet)